Philippe Beaujard avait souligné le lien entre mythes (et contes), rituels et structure sociale dans son Mythe et société à Madagascar (1991), que le présent ouvrage vient compléter par la présentation et l’analyse d’autres textes recueillis par l’auteur en pays tañala (sud-est de Madagascar).
Si certains récits peuvent apparaître comme des supports de la vie politique et religieuse, la littérature orale n’offre pas un simple reflet de la société, présente ou passée. Modes de transmission d’un savoir, mythes et contes sont d’abord une exploration des rêves, des désirs et des angoisses de l’homme et de la société qui transmet ces récits, une exploration aussi de tous les possibles. De manière plus ou moins consciente, les récits peuvent ainsi se faire l’expression de choix idéologiques divergents.
Philippe Beaujard analyse la structure et l’organisation narrative de chaque récit, puis en étudie le contenu ; la comparaison des variantes recueillies pour chaque récit chez les Tañala et dans d’autres sociétés permet d’en reconnaître les « motifs ».
Enracinés dans l’espace social des « gens de la forêt » (Tañala) et son environnement, les récits révèlent également des universaux. La parole du mythe ou du conte est l’expression de la pensée réfléchie et de l’inconscient du conteur ; elle reflète en même temps un système de représentations propre à la culture tañala et l’« inconscient collectif » de la société. L’analyse
combine ainsi une approche psychanalytique et structuraliste avec une recherche de sens ancrée dans une connaissance intime de la société tañala et de son histoire. Les textes présentés montrent la complexité des héritages malgaches, résultant d’une histoire inscrite dans le cadre des échanges de l’océan Indien et marquée par l’influence de l’Europe.