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Le Pape et l'Irak, Didier Destremau

Quand mon ami chaldéen d’origine irakienne Noël Harbot et moi-même avons écrit notre livre sur l’Irak[1], nous ne nous doutions absolument pas que la pape irait un jour arpenter son sol.

Je ne veux pas ici me contenter de louer l’audace, le courage et la détermination de François pour être allé dans ce pays

ravagé par l’insécurité en dépit des avertissements émanant de l’ensemble de son entourage. Je me contenterai d’estimer la portée de ce geste et tenter d’en évaluer les retombées à long terme. Comme nous l’avons souligné dans ce livre, l’Irak actuel

est bien le lieu de naissance du monothéisme, cette approche à Dieu qui rejette les croyances en de multiples divinités spécialisées, chacune dans son domaine terrestre. Le pape a bien su capitaliser sur notre ancêtre commun Abraham ( Ibrahim) pour marteler que les conflits religieux sont, en fait, de simples querelles de famille qui n’ont pas lieu d’être et qui peuvent trouver une solution apaisée. Trois pays au Moyen Orient sont les laboratoires de la coexistence pacifique entre les religions, le Liban, la Syrie et l’Irak. Ce dernier l’est encore plus que les deux autres car non seulement Chiites et sunnites se partagent la sphère musulmane, mais ils cohabitent avec les Yézidis, les Chabaks, les Mandéens, les Kakaïs. Les chrétiens eux, sont divisés en onze confessions. C’est dire la complexité de la mission … !

Débarquant en pèlerin de la paix, appelant à faire taire les armes, à clamer non au terrorisme et à l’instrumentalisation de la religion, le pape était certes dans son rôle.

En cette rencontre fort médiatisée avec l’ayatollah Ali Sistani, il a marqué la volonté des chrétiens d’enterrer une hache de guerre avec l’Islam chiite comme il l’avait fait quatre années auparavant au Caire avec le Grand Imam d'Al-Azhar, Ahmed al-Tayeb, figure de l’Islam sunnite. François est venu renforcer le camp de la lumière et de la vie mais il est clair que

plus ici qu’ailleurs, l’adage « Aide toi et le ciel t’aidera » s’applique.

Il est indispensable de multiplier les gestes forts symboliques ou non pour tordre le cou aux extrémistes qui rôdent, prônant et entretenant les guerres des religions. Il est nécessaire de tout faire pour convaincre les Chrétiens comme les Musulmans que la cohabitation entre eux étant incontournable, le seule voie viable est d’apprendre à se connaître et à apprécier ses qualités.

Le pape est, comme certains de ses prédécesseurs un pèlerin inlassable dans cette démarche. Il sait que le chemin sera long mais qu’il est indispensable cependant de faire les premiers pas même s’ils sont petits. Il croit fermement comme nous que ces enjambées sont des germes,

des semences de bonnes graines qui, bien arrosées et bien protégées donneront de bons fruits.

Ce sera à nos descendants de les cueillir et de les savourer en espérant que les arbres continueront à croître et à prospérer.

[1] De la Mésopotamie à l’Irak paru en septembre 2018 chez Maisonneuve et Larose, Hémisphère

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